Vendredi 16 et samedi 17 décembre, la Tunisie a une nouvelle fois été confrontée à son passé. Une douzaine de victimes de la dictature ont témoigné lors d’audiences publiques, organisées par l’instance vérité et dignité (IVD), l’institution chargée de la justice transitionnelle en Tunisie. Comme lors d’une première édition – les 17 et 18 novembre – la télévision publique Watanya 1 a retransmis en direct ces récits d’arbitraire, d’humiliation et de torture, ajoutant à l’impact émotionnel de l’événement. La date n’avait pas été choisie au hasard puisque ce 17 décembre était le sixième anniversaire du déclenchement de la révolution tunisienne à Sidi-Bouzid.
L’IVD s’est efforcée d’élargir la palette des profils de victimes. Aux côtés d’islamistes ou des familles de manifestants de la fin 2010-début 2011, Najoua Rizgui, militante d’extrême gauche des années 1990, Abdullah Ben Salah, nationaliste arabe (victime, lui, sous le régime de Habib Bourguiba), Ahmed Ben Moustafa, diplomate persécuté pour un conflit avec sa hiérarchie ou Salem Kaldoum, un officier de l’armée arrêté et torturé dans le cadre du prétendu complot militaire de 1991 dit de Barraket Essahel (du nom de la localité où la conjuration aurait été fomentée), ont raconté comment leur vie a été brisée par un arbitraire érigé en système.
l est encore trop tôt pour évaluer l’impact réel de ces auditions sur la société tunisienne.
Au-delà d’une émotion largement partagée, les réactions demeurent très contrastées sur la manière dont les victimes sont choisies et les débats conduits par l’IVD. Si les réseaux issus de l’ancien régime, toujours influents dans certains médias tunisiens, exploitent les moindres impairs de l’IVD pour jeter le discrédit sur son travail, il est un fait que les partisans de la justice transitionnelle sont eux-mêmes partagés. Le débat agite ainsi les milieux démocrates au passé d’extrême gauche. A l’instar de Khemaïes Chammari, ancien prisonnier politique sous Bourguiba puis Ben Ali, certains regrettent que la présidente de l’IVD, Sihem Bensedrine, soit « portée à bout de bras par Ennahda », un « biais politique » qui expliquerait que « l’essentiel des témoignages soit ceux , EVD, d’islamistes ». D’autres, tel Tahar Chegrouche, issu du même groupe (les « Perspectivistes ») et lui aussi ancien détenu politique, ne veut pas s’arrêter à ce constat en estimant que le plus important, « c’est de crever tout ce passé d’arbitraire et de torture » Toutes ces horreurs doivent cesser quel que soit le pays et à lire certains témoignages, les populations devraient prendre conscience que certains hommes ne sont là que pour le pouvoir et pas pour le bien des populations !!! Paula