Mali – La Bataille de Tondibi


Bonjour à vous lectrices & lecteurs du monde, alors puisque je suis partie dans l’histoire des pays africains, en ce mercredi et le reste de la semaine, je vais vous parler de la bataille de Tondibi au Mali. Sans doute les maliens la connaissent-ils, mais beaucoup de personnes comme moi ne la connaisse pas et je crois qu’il est important de connaître l’histoire d’un pays pour en comprendre certaines décisions.

La première bataille devant Tombouctou ayant lieu le 28 février, une seconde 12 jours plus tard n’est pas impensable. Cependant, le Tarikh es-Sudan donne incontestablement et à plusieurs reprises la date du 12 avril 1591 reprise par les africanistes modernes comme Devisse ou Boulègue alors que beaucoup parlent du 12 mars 1591.
Alors voilà. La bataille de Tondibi a lieu le 12 mars 1591 ou le 12 avril même année.
C’est une bataille capitale dans l’Histoire de l’Afrique de l’Ouest précoloniale. Elle oppose les armées de l’Empire Songaï des Askias, dont la capitale est Gao, commandées par l’askia Ishaq II et un corps expéditionnaire commandé par Djouder Pacha envoyé par le sultan saadine du Maroc Ahmed IV el-Mansour.
L’artillerie marocaine concourt de manière décisive à la défaite des armées songhaïs, même si les dissensions internes de l’Empire songhaï à la fin du 17ème siècle permettent de comprendre comment une simple défaite se transforme en effondrement d’une civilisation. La défaite des armées songhaïs marque également la fin des grands empires multi-ethniques en Afrique de l’Ouest, entraîne l’atomisation politique du Soudan mais marque aussi le début de l’enracinement de l’Islam dans les couches rurales et populaires du bassin du fleuve Niger.

Il faut comprendre que les grands empires soudanais du Moyen Âge, (Ghana, Mali, Songhaï) vivent essentiellement du commerce transsaharien, organisant les flux de sel et d’or vers le Maghreb et l’Europe, via les réseaux de commerce arabes et italiens installés dans les villes marchandes du littoral méditerranéen.
Car si le Nord à « soif d’or », il y a « une faim de sel » au Sud. Les empires soudanais exercent sur l’imaginaire arabe et européen un fort attrait essentiellement par l’abondance d’or qui semble en émaner. Les souverains soudanais apparaissent dans l’iconographie entourés d’or, certains auteurs prétendant même qu’au Soudan « l’or pousse comme des carottes » dans les champs. Les marchands arabes et italiens descendent parfois très profondément dans le Sahara jusqu’aux dernières villes caravanières berbères juste avant les pistes et les oasis. L’Empire songhaï, comme ses prédécesseurs, sert en particulier de plaque tournante entre les mines aurifères de la savane arborée, au sud du Sahel (mines du Bambouk  le long du Sénégal, de Bure entre les affluents du Niger, au sud de Niani, en pays akan) et les marchands arabes du Maghreb. L’or est loin d’être la seule marchandise commercialisée via les empires soudanais : esclaves et noix de kola remontent des frondaisons de la forêt de  Guinée, les peaux d’antilopes et même d’hippopotames qui permettent la confection de boucliers légers et extrêmement résistants sont convoyés également. Le sel descend à partir des mines de Teghazza (Sud algérien) d’abord et Taoudéni (Mali) dans le dernier quart du 16ème siècle.

Le contournement par les Portugais du cap Bojador (1434) puis l’installation des Européens sur les comptoirs du golfe de Guinée (comme Sao Jorge da Mina 1476), détournent progressivement une partie des flux aurifères vers le sud, ce qui a pour conséquence une diminution des recettes fiscales du Songhaï. Plus encore, l’arrivée massive de métaux précieux d ‘Amérique, l’or des cités mexicas du Mexique conquis par Hernàn Cortès (1521) puis l’argent des mines des Andes après la conquête de l’Empire incas par Pizarro(1534), entraîne une moindre demande d’or africain.
L’économie fondée sur le commerce de l’or décline, les ressources du Songhaï en sont directement affectées : l’économie mondiale se détourne lentement de l’Afrique soudanaise dont le rôle de pourvoyeur de métaux précieux s’amenuise
.
L’Empire songhaï sort également d’une longue guerre civile qui a entraîné la fracture de facto de toute la province de l’Ouest, située autour de Djenné.
À la mort de l’Askia Muhammad III (1586) une guerre civile éclate entre une faction établie à Tombouctou regroupée autour du Balama Al Saddik (le Balama Sadiki des sources soudanaises), prince du sang, frère du défunt, et une faction légitimiste regroupée à Gao, la capitale politique, autour d’abord de Muhammad IV Bâno (1586-1588) puis de l’Askia Ishaq II(1588). Proclamé Askia à Tombouctou, Al Saddik est vaincu par Ishaq II devant Gao (1588). La campagne de répression est féroce et si l’unité de l’empire est formellement rétablie, une cassure idéologique s’est faite au sein de la famille régnante : le Kurmina (ensemble des provinces situées au sud de Tombouctou, dans la boucle du fleuve Niger, légèrement en aval du delta intérieur) se désolidarise du cœur politique et historique de l’empire. Les princes du sang impliqués dans la révolte sont prêts à un renversement d’alliance avec le premier compétiteur qui se présentera.

Au contraire de l’Empire songhaï secoué par des turbulences politiques et économiques, le Maroc est entré dans une phase d’essor géopolitique spectaculaire, incarné par la dynastie des sultans saadiens (1549-1660). La tentative de croisade portugaise (bataille des Trois Rois, Ksar el-Kébir, 1578) a échoué et les rivalités politiques internes sont en voie d’apaisement. La monarchie peut ambitionner à la fois la vassalisation du Sahara et du Sahel et envisager d’exporter la violence latente aux frontières en envoyant dans le Songhaï vassalisé les populations les plus remuantes du Royaume. L’intérêt premier reste l’appât du gain : la mainmise sur le commerce du sel et les profits qu’il génère, celle sur le trésor songhaï. Pourtant, Ahmed IV el-Mansour souhaite aussi s’emparer des flux du commerce des esclaves, car les cultures de cannes à sucre, qu’il développe, nécessitent une importante population servile qui a largement fait les frais des guerres civiles marocaines des décennies précédentes.
Si les motivations d’Ahmed el-Mansour sont d’abord d’ordre économique, les historiens anglo-saxons rappellent que les ambitions du sultan saadien sont aussi d’ordre spirituel et qu’il souhaite établir un califat sur l’ensemble du Soudan, rivalisant avec le Califat ottoman basé à Constantinople et rappelant les grandes heures de la dynastie des Omeyyades, et plus généralement du califat de Cordoue. Le palais El Badi, dont les plans s’inspirent de l’Alhambra de Grenade semble en offrir une bonne illustration.

Cependant, l’essor marocain se heurte à deux dynamiques géopolitiques concurrentes. D’une part celle des Portugais qui, à travers l’empire du Grand Jolof via le fleuve Sénégal, puis le Saloum, tentent, sans succès, d’atteindre Tombouctou (1565). Si au 16ème siècle les tentatives portugaises d’annexion des royaumes wolof se heurtent à une vive résistance, leur présence, ancienne sur les côtes de l’actuelle Mauritanie, se renforce également le long de la Gambie. Des flux d’or et d’esclaves de plus en plus importants sont drainés vers la côte, échappant à la fois à l’empire déclinant du Mali, mais aussi aux ports caravaniers du Maghreb. La raréfaction de l’or soudanais menace la stabilité des États maghrébins dont le monnayage est en or et qui ne profitent pas immédiatement des afflux d’or américain, comme c’est le cas au contraire de l’Europe de l’Ouest. Les Saadiens, dont la politique de puissance régionale et le maintien de l’ordre intérieur nécessitent des sommes importantes de numéraire, sont directement concernés. D’autre part, l’Empire ottoman dont c’est le nouvel âge d’or, resserre son emprise sur le littoral méditerranéen et effectue une série d’expéditions armées au cœur du Sahara : Salah  Raïs (1552) sur Ouargla, Djafer Pacha sur le Fezzan (1557) dans le Sud libyen, et celle plus menaçante de Hasan Veneziano sur le Touât (1579) et ses oasis.

Les relations avec l’Empire ottoman sont par ailleurs exécrables (conflit maroco-ottoman) et ambiguës depuis la montée au pouvoir de la dynastie : les Turcs assiègent Oran (1554-1557) tenue par les Espagnols alliés des Saadiens, font assassiner le sultan Mohammed ech-Cheikh la même année, et s’immiscent dans les affaires internes du Royaume en faisant porter au pouvoir le sultan Abu marwan Abd al-Malik (1576) dont Ahmed IV el-Mansour, le vainqueur du Songhaï, est le frère.
La conquête du Songhaï est donc le produit de dynamiques complexes qui s’enchevêtrent : l’indéniable appât du gain que les auteurs des Tarikhs (Tarikh es-Soudan et Tarikh el ferrach) soulignent, mais aussi la volonté pour El-Mansour d’ajouter à la gloire de Ksar el-Kébir, acquise essentiellement par son frère, la sienne propre, ainsi que la fermeture de la Méditerranée par les Turcs qui viennent appuyer la régence d’Alger (1516-1659), ce qui contraint les Saadiens à une expansion vers le sud.

Le sultan saadien Ahmed el-Mansour  hérite largement de la guerre entre le royaume saadien et l’Empire songhaï autant qu’il l’accentue. La guerre commence au milieu du 16ème siècle par une série de raids armés sur les périphéries des deux États, les Saadiens faisant razzier Teghazza et ses mines de sels, et les askias lançant leurs alliés touaregs contre le Drâa marocain. En 1585, un détachement marocain effectue un raid sur la mine de sel de Teghaza, raid sans lendemain et qui ne débouche sur aucune occupation, car le Songhaï avait déjà entamé l’exploitation de la saline de Taoudeni au sud de Teghaza.
Dix ans plus tard, les Marocains s’emparent définitivement de Teghaza, la grande mine de sel administrée par les Songhaï mais exploitée par des populations touarègues grâce à une population servile soudanaise.
L’askia régnant Dawud (1549-1583) entame une épreuve de force et lance des raids touaregs sur les marges du royaume marocain. Un accord est trouvé avec le sultan marocain, pour le paiement d’une redevance prélevée par les Marocains sur les taxes perçues sur le commerce du sel de Teghazza, d’un montant de 100 000 dinars. Les troupes marocaines (déjà deux cents fusiliers) se retirent de Teghazza. Mais les populations touarègues qui exploitaient les mines de sel de Teghazza se replient à l’intérieur des terres du Songhaï (1583) quand les Marocains s’emparent définitivement des mines (1582-1586). Comme dit précédemment, Les Touaregs fondent un nouveau complexe minier deux cents kilomètres au sud, à Taoudéni (Taghazza al-Ghizlan, Taghazza des Gazelles). Le complexe minier des salines de Teghaza tombe en ruine, faute de main d’œuvre servile, et les revenus marocains s’effondrent.

À partir de 1582, El-Mansur entame une série d’expéditions pour sécuriser les marges sahariennes de son empire : il s’empare d’abord des oasis du Touat (1582), la tutelle des ottomans n’ayant jamais dépassé l’atlas saharien. En 1583 le Sultan du Kanem-Bornou, May Idriss Alawoma, sollicite l’aide d’El-Mansour et contre un acte d’allégeance réclame (en vain) des armes à feu. Si l’aide marocaine ne parvint pas, l’acte d’allégeance avait fait rentrer le Soudan sous la suzeraineté politique marocaine. L’expédition de Chinguetti (1584) à travers le désert mauritanien s’étant heurtée à la résistance maure et portugaise, les Turcs descendant, eux aussi, mais par le Fezzan en Afrique subsaharienne, il ne reste plus comme voie d’expansion que l’annexion de l’Empire songhaï. Cependant si l’expédition marocaine sur les marges ouest de l’Empire songhaï se solda pour El-Mansour par une déconvenue, elle eut des conséquences stratégiques inattendues: elle contribua en effet à attirer l’attention des dignitaires du Songhaï sur l’extrême ouest de leur empire, entraînant une dispersion des forces soudanaises le long des berges du fleuve Niger.(Source Wikipédia)

Voilà chers(es) amis(es) lectrices & lecteurs, vous aurez une suite demain, étant férue d’histoire, j’ai vraiment cette impression de parler de ma terre et je trouve cela assez surprenant. Néanmoins, je vous abandonne et je vous retrouve demain et vous souhaite à vous et aux vôtres un agréable après-midi.
Prenez bien soin de vous. Les images posées sur cet article ne sont pas ma propriété, ni celles du site. Paola

A propos Paola

Mon pseudo "Kaki Sainte Anne" Ecrivaine, mais je suis Béatrice Vasseur et je signe tous mes articles ici sous le nom de "Paola" mon second prénom
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