Le successeur de Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa, a fait arrêter plusieurs opposants et interdit la manifestation contre la corruption qui devait se tenir dans la capitale ce vendredi.
L’illusion s’est vite dissipée. Deux ans et demi après le renversement du vieux dictateur Robert Mugabe, le nouveau gouvernement en place au Zimbabwe n’a pas apporté le changement rêvé.
Au contraire, il a précipité le pays d’Afrique australe dans une crise qui rappelle les heures les plus sombres du régime.
Sur le plan économique, le Zimbabwe suffoque, étranglé par une inflation de plus de 700%.
Environ 60% de la population, soit 8,6 millions de personnes, va se retrouver en situation d’insécurité alimentaire d’ici la fin de l’année, en raison «des effets combinés de la sécheresse, de la récession économique et de la pandémie» de Covid-19, a prévenu jeudi le Programme alimentaire mondial.
La catastrophe humanitaire se double d’une répression brutale.
Là encore, le successeur de Mugabe, Emmerson Mnangagwa, 77 ans, n’a en rien abandonné les méthodes autoritaires et expéditives de l’ancien régime, dont il était d’ailleurs l’un des principaux piliers.
Lors de son accession au pouvoir, il avait pourtant promis une «nouvelle donne» et une «nouvelle démocratie».
La formule s’est avérée être un simple slogan pour séduire les créanciers internationaux qui n’ont pas été dupes.
Pancartes en carton
Le 20 juillet, la police a arrêté le journaliste d’investigation Hopewell Chin’ono, qui avait révélé un schéma d’enrichissement personnel bénéficiant au fils d’Emmerson Mnangagwa, dans un contrat de 60 millions de dollars portant sur la livraison d’équipements sanitaires dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.
Le même jour, le leader du petit parti d’opposition Transform Zimbabwe, Jacob Ngarivhume, a également été placé en détention. Il avait appelé à une marche de protestation, ce vendredi, contre la corruption. Les deux hommes sont poursuivis pour «incitation publique à la violence».
Les autorités, fébriles, ont pris très au sérieux la menace. Le rassemblement de l’opposition a été évidemment interdit et les forces de sécurité placées «en alerte maximum». Ce jeudi, les rues de la capitale, Harare, étaient totalement désertées, hormis des patrouilles de la police. Les magasins sont restés fermés. Quelques manifestants ont brièvement osé défiler, de façon dispersée, avec des pancartes en carton écrites à la hâte, demandant la libération de Chin’ono et Ngarivhume. L’écrivaine Tsitsi Dangarembga, 61 ans, en lice pour le prestigieux prix littéraire britannique Booker Prize, a été arrêtée en pleine rue, ainsi que plusieurs opposants.
Rumeurs de division
«Le mouvement de contestation n’a pas véritablement de leader, il est disparate, et c’est précisément ce qui inquiète le régime, explique Alex Magaisa, de l’université de droit du Kent. Mnangagwa sait parfaitement comment faire taire un opposant.
Cette fois, l’étincelle est politique, car les militants réagissent à la détention de Chin’ono et Ngarivhume, mais la situation économique est tellement désespérée qu’elle peut agréger une colère beaucoup plus large, plus profonde, plus populaire.»
Pour l’analyste politique, proche de l’opposition, la nervosité du Président s’explique aussi par les rumeurs de divisions au sein du clan au pouvoir.
«Il redoute plus que tout la déloyauté, une fronde interne», estime le chercheur.
Mnangagwa ne s’est-il pas lui-même imposé en poussant dehors son vieux camarade et mentor de la lutte pour l’indépendance Robert Mugabe ?
L’ancien guérillero est bien décidé à tout faire pour empêcher une répétition du scénario. scénario.
(Source Ouest France par Célian Macé le 1 août 2020 à 09:11