Adepte des réseaux sociaux, M. Soro a donné dans une série de messages sur son compte Twitter sa version de son rocambolesque retour manqué lundi, fustigé l’arrestation de ses partisans et attaqué son ancien allié devenu adversaire, le président ivoirien Alassane Ouattara. En froid avec le pouvoir depuis près d’un an, l’ex-président de l’Assemblée nationale, toujours député, fait désormais l’objet d’un « mandat d’arrêt international » de la justice ivoirienne pour « tentative d’atteinte à l’autorité de l’État ». Ce mandat a été émis lundi, le jour même de son retour prévu, selon le procureur de la République d’Abidjan, Richard Adou. Des « éléments en possession des services de renseignements » établissent « clairement que le projet devait être mis en œuvre incessamment », a affirmé le procureur à la télévision publique lundi soir, semblant évoquer un coup de force, 20 ans après le coup d’État de 1999. M. Soro devait rentrer dans son pays, après six mois d’absence. Ses militants l’attendaient impatiemment pour lancer sa campagne électorale pour la présidentielle d’octobre 2020. Mais son avion privé a finalement atterri au Ghana.
Dans ses tweets, il explique que le commandant de bord a été informé en vol que l’avion « pourrait faire l’objet d’un assaut » à l’aéroport d’Abidjan et a décidé de se dérouter vers l’aéroport d’Accra. Après un arrêt « bref », l’avion a redécollé « vers l’Europe », selon une source aéroportuaire à Accra, et Guillaume Soro se trouve actuellement en Espagne, selon son entourage. À Abidjan lundi, les forces de l’ordre déployées en grand nombre ont empêché tout regroupement des partisans de M. Soro à l’aéroport et dans la ville. Puis lundi après-midi, elles ont donné violemment l’assaut au siège du parti Générations et Peuples solidaires (GPS), où étaient regroupés une centaine de militants. Quinze partisans de M. Soro ont été arrêtés, dont cinq députés. « La brutalité de la répression qui s’est abattue sur les adhérents de GPS et de tous les partis politiques proches (…) est inacceptable », écrit M. Soro, qui voit dans toute cette affaire la main du pouvoir ivoirien et une tentative de l’empêcher de se présenter à la présidentielle. « Déjà en septembre 2019, suite aux révélations d’un sondage qui établissait mon avance en cas de la tenue l’élection présidentielle, la décision avait été prise de m’écarter de la course », affirme M. Soro. « Aux dernières heures j’apprends que je suis l’objet d’un mandat d’arrêt international. Qui aurait cru cela possible de l’homme providentiel venu du FMI ? » poursuit M. Soro, visant le président Ouattara, ancien haut dirigeant du Fonds monétaire international.
Ce chrétien du Nord ivoirien, âgé de 47 ans, a annoncé sa candidature à la magistrature suprême le 18 octobre. Il est vu comme un challenger sérieux par les analystes politiques, qui le disent populaire, notamment auprès de la jeunesse. Guillaume Soro a longtemps été le meilleur allié d’Alassane Ouattara, qu’il a aidé à porter au pouvoir pendant la crise post-électorale de 2010-2011 avec l’appui de la rébellion des Forces nouvelles qu’il dirigeait. Nommé Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale, ses relations se sont progressivement dégradées avec le chef de l’État, qui voulait brider ses ambitions présidentielles, selon les observateurs. Jusqu’à la rupture début 2019.
L’opposition politique ivoirienne a dénoncé mardi des « dérives dictatoriales » du pouvoir, dans un communiqué de la plateforme Coalition pour la démocratie, la réconciliation et la paix (CDRP), emmenée par l’ex-président Henri Konan Bédié. Estimant que Guillaume Soro (toujours député) se trouve désormais contraint à « un exil forcé », des groupes parlementaires d’opposition ont dénoncé l’arrestation des cinq députés pro-Soro, condamnant « cette énième violation de l’immunité parlementaire en Côte d’Ivoire ». « L’espace démocratique est en train de se rétrécir gravement en Côte d’Ivoire à moins d’un an de l’élection présidentielle », a déploré pour sa part le Mouvement ivoirien des droits humains, dans un communiqué. Dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui a fait 3 000 morts, la prochaine présidentielle s’annonce tendue. Les élections municipales et régionales de 2018 avaient été marquées par de nombreuses violences et des fraudes.
Par Le Point Afrique (avec AFP)
Modifié le 25/12/2019 à 10:12 – Publié le 25/12/2019 à 09:43 | Le Point.fr