Malgré l’interdiction de manifester, les algériens sont dans les rues, poussé par un appel anonyme, relayé par les réseaux sociaux, il a poussé 800 000 Algériens à braver le tabou de la manifestation publique, formellement interdite à Alger depuis 2001 ? Comment expliquer le caractère pacifique, et même très civique, des différentes marches à travers plus d’une vingtaine de villes ? Des manifestants ont embrassé des policiers anti-émeutes il leur ont offert des fleurs, Ils ont même organisé le ramassage des déchets au passage des cortèges des marcheurs, et ils se sont opposé aux casseurs…
Ce que les Algériens, tout comme les français, ce qu’ils ne supportent pas c’est l’humiliation. Ce sentiment condescendant qui a le déclenchement de la guerre de Libération. C’est bien connu, il n’y a de bataille perdue que celle qui n’a pas été livrée.
À ceux qui seraient impressionnés par les menaces de ceux qui vantent la capacité du régime à contenir la rue, il faut rappeler cette vérité. Les Algériens n’ont pas gagné leur indépendance parce qu’ils disposaient d’une force supérieure à celle de l’armée française. Ils se sont libérés le jour où ils ont compris qu’il n’y avait rien à espérer de l’ordre colonial. déclarait Saïd Sadi, ex-président du Rassemblement pour la culture et de la démocratie (RCD).
Ce dernier faisait allusion aux menaces du très impopulaire Premier ministre Ahmed Ouyahia qui il y a quelques informait qu’il avait le pouvoir de contrôler la rue, qu’il l’avait démontré par le passé. Cela rappelle aussi la bravade des jeunes de Khenchela, ville de l’Est algérien, il y a une semaine, où le maire a défié sur sa page Facebook les habitants à l’occasion d’un meeting annoncé du candidat Rachid Nekkaz : » Si vous êtes des hommes, venez faire le meeting avec lui « . Le lendemain, non seulement une marée humaine a manifesté face à la mairie et a même réussi à obliger le maire à retirer une grande affiche de Bouteflika recouvrant la façade avec un slogan » laisse le drapeau, mais enlève la photo » ! Le poster a été piétiné par des centaines de jeunes.
Quand on exhibe la photo de Bouteflika, les Algériens pensent qu’ils sont devenus la risée de la planète en voyant l’image de ce vieux monsieur malade aux yeux hagards.
Dans la conscience populaire, des paroles choquent. Bouteflika aurait été envoyé par Dieu comme un signe de miséricorde, selon le ministre des Anciens Combattants.
À Alger, ce vendredi, barbus ou jeunes filles sans voiles, vieux et jeunes ont crié tous ensemble : » C’est une république, pas une monarchie ! » Face à ces vieilles, ces vieux, ces jeunes, ces hommes, ces femmes, ces enfants, la police hier a baissé la garde yeux. Ils étaient pourtant armés de matraque, de bombes lacrymogènes, mais désarmés face à un cri de dignité. La génération des moins de quarante ans, ne connait pas la peur, ceux des années 90 ont rejoint la manifestation algéroise qu’après quelques hésitations. On ne sait pas qui a appelé à cette marche, mais les Algériens veulent aller de l’avant, ils leur a fallut vingt ans pour détruire le mur de la peur et retourner à la rue, vingt ans pour refuser le poids des humiliations.
Dans certaines mosquées, des fidèles ont même quitté la grande prière du vendredi et d’autres ont vilipendé leurs imams, car ces derniers étaient sommés par le ministère des Affaires religieuses de prêcher sur la » peur de la fitna » (la discorde), rappelant aux Algériens les drames de la guerre civile provoquée par la politique, la contestation.Vendredi, les Algériens n’ont écouté ni leurs imams ni les partis politiques d’opposition ou pro-pouvoir, ils ont surpris le régime en manifestant calmement, souriant, en colère et décidés. Certains ont décidé de porter leurs enfants sur leurs épaules comme lors des grandes manifs des années 90-91, des vieilles dames ont sorti les drapeaux algériens pour défier le fait accompli. Nous ne voulons pas d’un cinquième mandat. L’éditorialiste Saïd Djaffar résume les tensions et lance un avertissement au régime : » Ce système a oublié que les Algériens forment un peuple patient, mais qui ne s’accommode pas indéfiniment de l’oppression, de l’injustice et de l’atteinte à la dignité. Ce peuple dont le sens politique s’est forgé au cœur d’une longue patience, dans l’épreuve atroce de la guerre intérieure et dans l’absence des élites, ce peuple-là, sur cette terre, mérite de vivre. Écoutez l’avertissement : c’est sérieux. » !! Paola