Afrique – Nelson Mandela, Président d’Afrique du Sud (suite & fin)


Bonjour lectrices & lecteurs du monde, alors nous allons donc continuer l’histoire de la vie de Madiba. En mars 1982, Mandela est transféré, en compagnie des principaux dirigeants de l’ANC à la prison de Pollsmoor, dans la banlieue du Cap, avec des conditions de vie moins rudes. S’il a été envisagé un moment que ce transfert avait été réalisé afin d’éloigner ces dirigeants de la nouvelle génération de Noirs emprisonnés à Robben Island, surnommée « l’université Mandela », le ministre de la Justice Kobie Coetsee a dit au contraire que ce transfert avait été accompli afin de pouvoir établir un contact discret entre eux et le gouvernement sud-africain.
Pendant les années 1980, le MK relance la guérilla, occasionnant la mort de dizaines de personnes : tentative de sabotage de la centrale nucléaire de Koeberg, poses de mines anti-personnel dans le Northern et Eastern Transvaal tuant une vingtaine de personnes dont des enfants à Chatsworth dans le district de Messina, attentat à la bombe à Pretoria tuant dix-neuf personnes, dans un centre commercial à Amanzimtoti, tuant cinq personnes dont trois enfants ou encore dans un bar de Durban.
Dans l’autre camp, un escadron de la mort comme la Vlakplaas, créé pour éliminer les opposants au gouvernement de l’apartheid, commet plus d’une centaine de crimes, incluant meurtres, tortures et fraudes. Un autre escadron de la mort comme le Civil Cooperation Bureau étend ses opérations jusqu’en Europe et assassine des militants de l’ANC, dont Dulcie September en France en 1988.
En février 1985, le président Pieter Willem Botha offre à Nelson Mandela, contre l’avis de ses ministres, la liberté conditionnelle en échange d’un renoncement à la lutte armée. Mandela rejette l’offre, disant dans un communiqué transmis par sa fille Zindzi : « Quelle liberté m’est offerte alors que l’organisation du peuple demeure interdite ? Seuls les hommes libres peuvent négocier. Un prisonnier ne peut pas faire de contrat ». La même année, Botha abolit les lois sur les laissez-passer et les mariages mixtes.
Mais cela est considéré comme trop timide par Nelson Mandela qui réclame toujours avec l’ANC clandestin « un homme, une voix ».

La première rencontre entre Nelson Mandela et le gouvernement a lieu en novembre 1985. Le ministre de la Justice, Kobie Coetsee, rencontre Mandela à l’hôpital Volks au Cap,  où il est opéré de la prostate. Au cours des quatre années suivantes, une série de rencontres pose les bases pour de futures négociations, mais aucun progrès réel n’est réalisé.
Sa dernière prison en 1986 est une villa avec piscine dans le périmètre de la prison Victor Verster de Paarl, à une soixantaine de kilomètres du centre-ville du Cap, où il lui est accordé le droit de recevoir toutes les visites qu’il désire.
Pendant toute la durée de l’emprisonnement de Nelson Mandela, la pression locale et internationale sur le gouvernement sud-africain se fait toujours plus forte.
En 1985, il est le premier lauréat du prix Ludovic-Trarieux pour son engagement en faveur des droits de l’homme. Comme il est en captivité, c’est sa fille qui reçoit le prix en son nom. Le 11 juin 1988 a lieu le concert hommage des 70 ans de Nelson Mandela à Wembley,  regardé par six cents millions de téléspectateurs dans soixante-sept pays, qui expose au monde entier la captivité de Mandela et l’oppression de l’apartheid, et qui, selon l’ANC, force le régime sud-africain à libérer Mandela plus tôt que prévu.
En 1989, alors que l’état d’urgence  règne depuis quatre ans, Nelson Mandela écrit à Pieter Botha, et tout en précisant que : « la question de [sa] libération n’en est pas une, face au spectre d’une Afrique du Sud coupée en deux camps hostiles se massacrant mutuellement  » il veut faire négocier  » les deux principales organisations du pays », le gouvernement et l’ANC. Il détermine les principaux points à traiter : « Premièrement, la revendication de la règle de la majorité dans un État unitaire, deuxièmement, les inquiétudes de l’Afrique du Sud blanche face à cette demande ». Ils ont un entretien le 05 juillet 1989 dans la résidence de Botha Cette même année, à la suite d’un accident vasculaire cérébral, Botha est remplacé par Frederik de Klerk à la tête du gouvernement. Le 15 octobre 1989, de Klerk libère sept dirigeants de l’ANC, dont Walter Sisulu  qui ont chacun passé vingt-cinq ans en prison. En novembre, Nelson Mandela dit de De Klerk qu’il est « le plus sérieux et le plus honnête des leaders blancs » avec qui il ait pu négocier. De Klerk annonce la libération de Nelson Mandela le 02 février 1990 au cours d’un discours prononcé au Parlement.

 

Le 02 février 1990, le Président De Klerk annonce la levée de l’interdiction de l’ANC et de plusieurs autres organisations antiapartheid, ainsi que la libération prochaine et sans condition de Nelson Mandela. Ce dernier est libéré le 11 février 1990 après 27 ans6 mois et 6 jours d’emprisonnement. L’événement est retransmis en direct dans le monde entierLe jour de sa libération, Nelson Mandela fait un discours depuis le balcon de l’hôtel de ville du Cap. Il y déclare son engagement pour la paix et la réconciliation avec la minorité blanche du pays, mais annonce clairement que la lutte armée de l’ANC n’est pas terminée : « Notre recours à la lutte armée en 1960 avec la formation de l’aile militaire de l’ANC était purement une action défensive contre la violence de l’apartheid. Les facteurs qui ont rendu nécessaire la lutte armée existent toujours aujourd’hui. Nous n’avons aucune option à part continuer. Nous espérons qu’un climat propice à une solution négociée existera bientôt, ce qui rendra inutile la lutte armée ». Mandela dit aussi que son objectif principal est de donner à la majorité noire le droit de vote aussi bien aux élections nationales que locales. Il annonce également à la foule : « Je suis là devant vous non pas comme un prophète mais comme un humble serviteur du peuple ».  Le , il demande à ses partisans : « Jetez dans la mer vos fusils, vos couteaux et vos machettes », afin de pacifier les relations entre l’ANC et le gouvernement, mais aussi la rivalité entre l’ANC et l’Inkhata zoulou qui a fait de nombreuses victimes.
Nelson Mandela mène le parti lors des négociations sur l’élaboration d’une nouvelle constitution transitoire sud-africaine qui ont lieu entre mai 1990 et mars 1994, (accords de Groote Schuur). Le 6 août, Mandela confirme les accords avec De Klerk, et l’ANC proclame la fin de la lutte armée (Pretoria Minute).

Les négociations entre les partis sont parfois tendues comme lorsque, en 1991, Mandela qualifie De Klerk de « dirigeant d’un régime illégitime, discrédité et minoritaire ».
Nelson Mandela propose de faire passer le droit de vote à 14 ans, proposition pour laquelle il est blâmé par ses collaborateurs et à propos de laquelle il dit plus tard avoir fait « une grave erreur de jugement ». Le 30 juin 1991, le parlement sud-africain vote la suppression des dernières lois piliers de l’apartheid encore en vigueur qu’étaient la loi sur la classification raciale et celle sur l’habitat séparé. En juillet 1991, Nelson Mandela est élu président de l’ANC à l’occasion de la première conférence nationale de l’ANC en Afrique du Sud, et Oliver Tambo, qui dirigeait l’ANC en exil depuis 1969, devient secrétaire national. Nelson Mandela fait alors un voyage à Cuba lors duquel il rencontre Fidel Castro. Celui-ci dira de lui : « Nelson Mandela est connu et de plus admiré et chéri par des millions innombrables de personnes dans le monde entier ». Fidel Castro lui rend aussi hommage durant la célébration du 26 juillet 1991, en sa présence : « Si on veut avoir un exemple d’un homme absolument intègre, cet homme, cet exemple est Mandela. Si on veut avoir un exemple d’un homme inébranlablement ferme, vaillant, héroïque, serein, intelligent, capable, cet exemple et cet homme est Mandela. Et je ne le pense pas a ajouté le Commandant en Chef après l’avoir connu, après avoir pu converser avec lui, après avoir eu le grand honneur de le recevoir dans notre pays, je le pense depuis beaucoup d’années, et je le reconnais comme l’un de symboles les plus extraordinaires de cette ère ».

 

Au début de 1992, des élections législatives partielles virent au désastre pour le Parti national au bénéfice des candidats du parti conservateur favorable au maintien de l’apartheid. Le président De Klerk, qui avait fait de l’élection générale partielle de Potchefstroom un enjeu national, et qui avait été alors désavoué dans ce traditionnel bastion électoral du parti national, organise alors un ultime référendum auprès de l’ensemble des électeurs blancs pour solliciter leur appui. Il obtient publiquement celui de Mandela, qui cherche par ailleurs à calmer les ardeurs et les impatiences des militants de l’ANC. Le 17 mars 1992, avec 68,7 % de « oui », De Klerk obtient sans ambiguïté le soutien de l’ensemble de la communauté blanche. Lors de son discours de victoire devant le parlement du Cap, il déclare que les électeurs blancs ont eux-mêmes « décidé de refermer définitivement le livre de l’apartheid ». Les pourparlers s’arrêtent à la suite du massacre de Boipatong en juin 1992 où Mandela rompt les négociations et accuse le gouvernement de De Klerk de complicité dans ces tueries. Les négociations reprennent cependant en septembre 1992 après le massacre de Bisho, les menaces de confrontation sanglante démontrant qu’elles constituent la seule issue pour l’Afrique du Sud.
Les efforts de Nelson Mandela et du président Frederik de Klerk sont reconnus mondialement quand ils reçoivent conjointement le prix Nobel de la paix en 1993 en hommage à « leur travail pour l’élimination pacifique du régime de l’apartheid et pour l’établissement des fondations d’une Afrique du Sud nouvelle et démocratique ».
Pour le comité Nobel, « le régime de l’apartheid donnait un visage au racisme ».
Lors de la cérémonie de remise du prix, Nelson Mandela rend hommage à Frederik de Klerk « qui a eu le courage d’admettre qu’un mal terrible avait été fait à notre pays et à notre peuple avec l’imposition du système de l’apartheid ». Il demande également au gouvernement birman la libération du prix Nobel de la paix 1991 Aung San Suu Kyi comparant sa lutte à la sienne.

 

Quand Criss Hani, un des dirigeants du MK et du Parti communiste sud-africain est assassiné le 10 avril 1993  par un extrémiste blanc, Janus Walusz, avec la complicité de Clive Derby-Lewis, député du Parti conservateur, on craint que le pays soit à nouveau plongé dans la violence. Nelson Mandela lance un appel au calme au pays par un discours considéré comme présidentiel bien qu’il n’ait pas encore été élu : « Je m’adresse ce soir à tous les Sud-Africains, noirs et blancs, du fond de mon être. Un homme blanc, plein de préjugés et de haine, est venu dans notre pays et a accompli une action si ignoble que notre nation tout entière se situe au bord du précipice. Une femme blanche d’origine Afrikaner a risqué sa vie pour que nous puissions reconnaître et traduire en justice cet assassin. Le meurtre de sang-froid de Chris Hani a créé un choc dans tout le pays et dans le monde… Il est maintenant temps pour tous les Sud-Africains de s’unir contre ceux, de n’importe quel camp, qui espèrent détruire ce pour quoi Chris Hani a donné sa vie : la liberté pour chacun d’entre nous ».
Bien que des émeutes aient lieu après l’assassinat, les négociateurs parviennent à un accord pour fixer les premières élections nationales non raciales du pays à la date du 27 avril 1994, correspondant à l’expiration normale du mandat présidentiel de De Klerk, soit à peine plus d’un an après le meurtre de Chris Hani. Avant les élections, Nelson Mandela doit réussir à éviter un éclatement du pays et une guerre civile en négociant d’une part avec le général Constand Viljoen, chef du mouvement Afrikaner Volksfront (ou Front afrikaner, AVF) fédérant plusieurs organisations politiques conservatrices ou d’extrême droite, qui réclame la création d’un Volkstaat, c’est à un dire un État « ethniquement pur » pour les Afrikaners, et considère Frederik de Klerk comme un traître, d’autre part avec le roi des zoulous Goodwill Zwelithini KaBhekuzulu  qui veut créer son propre État zoulou au Natal.

Les discussions avec Constand Viljoen ont lieu grâce à son frère jumeau qui entretient d’anciennes relations avec l’ANC. La première rencontre a lieu entre Mandela et Joe Modise  chef de Umkhoto we Sizwe d’une part, avec les dirigeants de l’AVF, Constand Viljoen et Tienie Gronewald, de l’autre. Pendant trois mois et demi, plus de vingt réunions ont lieu entre l’ANC et l’AVF. Elles aboutissent à un protocole d’accord sur la constitution d’un groupe de travail bipartite pour examiner la possibilité de créer un volkstaat, en contrepartie de quoi l’AVF s’engage à décourager toute action pouvant faire capoter la transition politique. Ce protocole est cependant dénoncé par une partie de l’extrême droite, mais aussi par le parti national. C’est l’expédition militaire ratée au Bophuthatswana pour venir en aide à leur allié, le président Lucas Mangope qui refuse de réintégrer le bantoustan dans l’Afrique du Sud, qui convainc Viljoen de se désolidariser de ses alliés du parti conservateur et surtout de l’extrémiste et très peu fiable mouvement de résistance afrikaner. Après avoir joué les intermédiaires entre le président F.W. de Klerk et Lucas Mangope, Constand Viljoen prend unilatéralement la décision d’inscrire, dix minutes avant la clôture des inscriptions, son nouveau parti, le Front de la liberté, pour participer aux élections du 27 avril. Voulant rassembler toutes les tendances d’une société divisée par l’apartheid, Mandela propose à Viljoen d’intégrer le gouvernement d’unité nationale. La campagne pour persuader l’Inkatha de participer aux élections débouche de son côté sur une action commune du président sud-africain F.W. de Klerk et de Mandela qui rencontrent le 8 avril le roi Zwelithini et le prince Mangosuthu Buthelezi. Durant ces entretiens, Mandela propose notamment à Zwelithini de devenir le monarque constitutionnel du KwaZulu-Natal.
Après une heure et demie de discussion internes entre Buthelezi et Zwelithini, ce dernier refuse la proposition au prétexte que les demandes liées au roi ne peuvent être séparées de celles de l’Inkatha. L’échec des pourparlers amène le gouvernement à déclarer l’état d’urgence au Natal tandis que l’ANC envisage une option militaire pour faire plier l’Inkatha. Après des perquisitions et d’importantes saisies d’armes et de munitions par l’armée dans les camps d’entrainement de l’Inkatha, Buthelezi réclame une médiation internationale que Mandela et F.W. de Klerk acceptent.
Cette médiation est cependant ajournée du fait de la volonté de Buthelezi de modifier le calendrier électoral. De son côté, le roi Goodwill Zwelithini envoie un émissaire auprès de Mandela pour l’informer qu’il est finalement prêt à accepter la proposition, mais aussi qu’il craint pour sa propre vie, faisant indirectement référence à Buthelezi. Finalement, après avoir consulté un vieil ami kenyan, le professeur Washington Okumu, Buthelezi accepte, sept jours avant la date du scrutin, de participer aux élections.
Selon Colette Braeckman et contrairement à la version des faits relatés par Allister Sparks, c’est Mandela et lui seul qui aurait réussi à convaincre Buthelezi de participer aux élections en persuadant en une heure le roi des Zoulous, Goodwill Zwelithini d’y participer, lui faisant comprendre que s’il suivait Buthelezi il pourrait tout perdre.

A propos Paola

Mon pseudo "Kaki Sainte Anne" Ecrivaine, mais je suis Béatrice Vasseur et je signe tous mes articles ici sous le nom de "Paola" mon second prénom
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