Bonjour à toutes & tous, désolée de mes manquements en ce moment, mais entre analyses et autres checkups en vue de ma prochaine intervention chirurgicale, je suis pas vraiment disponible. Une fois opérée, je serais plus dispo puisqu’il va falloir que je me repose, c’est ça ou la maison de repos….. Et comme je veux rester chez moi, je serais donc plus apte à vous fournir des nouvelles !! Alors je sais que j’avais dit que je terminerais l’histoire de Nelson Mandela, je vais donc faire une nouvelle partie aujourd’hui en ce début de semaine.
Nous savons que « Madiba » était plutôt vu comme un terroriste dans le milieu anglo-saxon, mais le 05 août 1962, il est arrêté après dix-sept mois de clandestinité et est emprisonné au fort de Johannesburg. Son arrestation a été rendue possible par des informations communiquées par la Central Intelligence Agency, (CIA) à ses homologues sud-africains, sur la cachette et le déguisement de Mandela en chauffeur de voiture, en échange de la libération de l’un de ses agents infiltrés, alors détenu par la police sud-africaine.
Mandela est en effet considéré par ces organisations comme terroriste et communiste dans le contexte de guerre froide, où « l’idéologie de l’apartheid s’affichait comme ligne de défense de l’Occident » très dépendant des minéraux et métaux (or, platine, chrome, manganèse, uranium, antimoine, diamant etc) dont l’Afrique du Sud, « gardienne de la route maritime du Cap » est l’un des principaux producteurs mondiaux du monde libre.
Trois jours après son arrestation, Nelson Mandela est accusé officiellement d’avoir organisé une grève en 1961 et d’avoir quitté le pays illégalement.
Le 25 octobre, il est condamné à cinq ans de prison. Alors qu’il purge sa peine, la police arrête plusieurs dirigeants de l’ANC à Rivonia, au nord de Johannesburg, où est situé le quartier général de la direction d’Umkhonto we Sizwe le 11 juillet 1963.
Parmi les onze personnes arrêtées figurent Walter Sisulu et Govan Mbeki.
Nelson Mandela est lui aussi mis en cause et, avec ses compagnons, il est accusé par le ministère public de quatre sabotages, de trahison, de liens avec le Parti communiste sud-africain, mais aussi de comploter une invasion du pays par l’étranger, ce que Mandela dément. Le « procès de Rivonia » débute le 09 octobre 1963 devant la haute cour de Pretoria présidée par Quartus de Wet, un juge afrikaner nommé sous le gouvernement Smuts (Parti uni) et à ce titre considéré par Mandela et les siens comme indépendant du gouvernement Verwoerd. Durant le procès, à l’aide des documents saisis à Rivonia, le procureur détaille les commandes d’armes, les liens entre l’ANC et le Parti communiste et les plans destinés à renverser le gouvernement.
Dans sa déclaration pour sa défense le 20 avril 1963, devant la Cour suprême de l’Afrique du Sud à Pretoria, Nelson Mandela expose le raisonnement qui l’a fait recourir à la violence comme tactique. Il révèle comment l’ANC a utilisé des méthodes pacifiques pour résister à l’apartheid pendant des années, jusqu’au massacre de Sharpeville, la déclaration d’état d’urgence et l’interdiction de l’ANC par le gouvernement, qui leur a montré que leur seul choix était de résister à travers des actes de sabotage. Agir autrement aurait été pour eux pareil à une capitulation sans condition. Nelson Mandela explique comment ils ont écrit le manifeste du Umkhonto we Sizwe avec l’intention de démontrer l’échec des politiques du Parti national quand l’économie serait menacée par le manque de volonté des étrangers à risquer des investissements dans le pays. Il finit sa déclaration, reproduite intégralement dans le Rand Daily Mail, le grand quotidien progressiste anglophone de Johannesburg, par ces mots :
» Toute ma vie je me suis consacré à la lutte pour le peuple africain. J’ai combattu contre la domination blanche et j’ai combattu contre la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et agir. Mais, si besoin est, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir »
Les accusés sont jugés coupables de sédition le 11 juin 1964 et condamnés à la détention à perpétuité le 12 juin, à l’exception de Lionel Bernstein qui est acquitté.
Si Mandela et la majorité de ses compagnons sont reconnus coupables des quatre chefs d’accusation, ils échappent à la peine de mort dont ils étaient passibles, parce que le juge n’estime pas prouvée l’intervention étrangère invoquée par le ministère public.
Selon des sources de l’ANC, d’historiens, de journalistes ou de juristes, la pression internationale a également influencé le verdict, ce que pense également Oliver Tambo à Londres, mais ce que ne relèvent pas d’autres historiens traitant du procès de Rivonia.
Pour Nelson Mandela, si le ministre de la Justice John Vorster souhaitait bien qu’il soit condamné à mort, le juge avait pour sa part peut-être été influencé par les protestations internationales comme celles du syndicat des dockers, qui avait menacé de ne plus charger les marchandises pour l’Afrique du Sud, ou par les protestations d’une cinquantaine de membres du congrès américain et du Parlement britannique. Le fait qu’aucune action de guérilla n’avait débuté et que l’ANC et MK avaient été considérées comme des entités séparées par le juge, auraient été aussi, selon l’analyse de Mandela, une raison de la « clémence » relative du verdict. Le Premier ministre Hendrik Verwoerd déclara devant le Parlement sud-africain qu’aucune protestation de quelque origine qu’elle fût n’avait influencé le jugement, et encore moins la lettre et les télégrammes que lui-même avait reçus de Léonid Brejney et des pays socialistes, lesquels avaient, selon sa déclaration, fini à la poubelle. Juste avant le verdict, Alan Paton, chef du Parti Libéral avait déposé auprès du juge de Wet une requête d’indulgence.
Le Conseil de sécurité des Nations unies condamne le procès de Rivonia et commence à s’engager vers la recommandation de sanctions internationales contre l’Afrique du Sud
La résolution 181 d’août 1963 du Conseil de sécurité de l’ONU condamnait l’apartheid et demandait à tous les États d’arrêter volontairement leurs ventes d’armes à l’Afrique du Sud mais cette demande n’est jamais contraignante avant la résolution 418 du 04 novembre 1977, imposant un embargo sur les ventes d’armes.
Une pétition internationale recueillit les signatures de 143 personnalités appelant la communauté internationale à dénoncer non seulement les arrestations, mais les législations de l’apartheid.
En 1964, la résistance se retrouve décapitée. Les attaques armées de MK en territoire sud-africain cessent et ne reprendront véritablement qu’en 1976. Tandis que les pays du Commonwealth prennent leur distance, le gouvernement sud-africain, loin d’être sanctionné, profite des années de prospérité économique pour encourager l’immigration européenne et développer son industrie et son armement avec l’Allemagne et la France, avec le soutien des États-Unis au nom de la lutte contre le communisme.
Verwoerd intensifie l’application de sa politique de séparation forcée en procédant à de nombreuses expulsions de populations noires vers les zones qui leur sont attribuées afin que de bonnes terres soient développées ou habitées par les Blancs. Un système de contrat oblige les salariés noirs de l’industrie à vivre dans des résidences dortoirs au sein des townships, loin de leurs familles demeurées en zone rurale. Les conséquences pour ces populations sont souvent catastrophiques au niveau social tandis que la population carcérale atteint cent mille personnes, un des taux les plus élevés au monde.
Entre 1960 et 1980, ce sont plus de trois millions et demi de paysans noirs qui sont dépossédés de leurs terres sans aucun dédommagement pour devenir un réservoir de main-d’œuvre bon marché et ne plus être des concurrents pour les fermiers blancs.
En 1964, Nelson Mandela est emprisonné sous le numéro de matricule 46664 dans l’île prison de Robben Island, où il reste dix-huit de ses vingt-sept années de prison. En prison, sa notoriété s’étend au niveau international. Sur l’île, il effectue des travaux forcés dans une carrière de chaux. Les prisonniers y sont victimes de kératite, due à la poussière et à la lumière ; Mandela doit d’ailleurs plus tard se faire opérer de ce fait du canal lacrymonasal. Les prisonniers échangent néanmoins leurs connaissances dans ce qui devient « l’université Mandela », parlant aussi bien de politique que de William Shakespeare, Nelson Mandela récitant et enseignant le poème Invictus (Invaincu) de William Ernest Henley afin de les encourager. Quand ils ne vont pas à la carrière, Mandela et les autres détenus cassent des cailloux dans une des cours de la prison avec des cadences éprouvantes. Les conditions de vie dans la prison sont très rudes. Les prisonniers sont séparés selon leur couleur de peau, les prisonniers noirs recevant les plus petites rations. Les prisonniers politiques, dont fait partie Nelson Mandela, sont séparés des criminels de droit commun et ont encore moins de droits. Mandela étant un prisonnier de classe D (la plus basse classe), il n’a droit qu’à un visiteur et une lettre tous les six mois. Cette lettre a souvent été retardée durant une longue période et rendue illisible par la censure de la prison. Il se lave avec de l’eau de mer froide et dort dans une cellule minuscule. Pendant une période de sa captivité, tous les jeudis, les gardiens blancs demandent à Mandela et d’autres prisonniers noirs de creuser une tranchée d’1,80 m de profondeur. Lorsqu’elle est terminée, les gardiens demandent aux prisonniers de descendre dans la tranchée, puis ils leur urinent dessus, avant de leur demander de reboucher la tranchée et de retourner en cellule.
Mais si Robben Island est un lieu pour briser la volonté des prisonniers, celle de Mandela semble se renforcer dans la détention. Selon le témoignage d’Amhed Kathrada, un de ses codétenus, Mandela n’accepte aucun traitement de faveur, que ce soit pour le travail ou les vêtements, et mène toutes les actions de contestation avec les autres prisonniers, dont des grèves de la faim. Il refuse par exemple d’appeler les gardes sous le nom de baas (patron) comme ils l’exigent. Même soumis aux travaux forcés, il s’oblige à conserver une pratique sportive. Il court sur place dans sa cellule pendant 45 minutes, effectue une centaine de pompes, des abdos, des flexions profondes des genoux et des exercices de gymnastique appris lors de ses entrainements, encore étudiant, en salle de boxe. Alors que beaucoup de prisonniers les plus militants du Congrès panafricain d’Azanie refusent de parler ou même regarder les gardiens, Mandela essaie d’analyser la situation et perçoit que les Afrikaners sont surtout dirigés par la peur que la majorité noire refuse de partager le pouvoir et fasse d’eux et de leur famille les victimes d’une révolution sanglante. Nelson Mandela profite de ces années pour apprendre l’histoire des Afrikaners et leur langue, l’afrikaans, afin de comprendre notamment leur mentalité et d’établir un véritable dialogue avec eux. Défiant le point de vue de l’ANC, qui considérait alors le pouvoir afrikaner comme une version moderne du colonialisme européen, il en vient lui-même à estimer et déclarer que l’Afrikaner est un Africain au même titre que n’importe lequel de ses codétenus noirs, songeant que, à leur place et dans d’autres circonstances, il aurait pu avoir la même vue sur l’apartheid. Cette compréhension des Afrikaners lui donne l’esprit de réconciliation nécessaire aux futures négociations.