Mali – La Bataille de Tondibi (suite)


Bonjour à toutes & tous, en ce journée de vendredi, je vais continuer de vous parler de la bataille de Tondibi. En effet hier je vous ai présenté les principaux antagonistes de cette bataille, à savoir Djouder Pacha et Ishaq II accompagnés de leurs armées, aujourd’hui nous allons donc voir le déroulement de cette bataille et de ses conséquences.

Déroulement de la bataille : Lorsque le corps expéditionnaire de Djouder Pacha arrive à Tondibi (la « pierre noire » en songhaï, à 50 km en amont de Gao, un affleurement rocheux sur les berges du fleuve), au lieu-dit Sonkia, un espace de pâturage pour le bétail des transhumants, l’armée de l’Askia Ishaq II est déjà solidement installée. Les Songhaïs ont édifié des murs de défense en banco doublant les épineux qui bordaient l’enclos de pâture. L’infanterie songhaï est placée derrière le mur de défense. Les deux armées se placent de prime abord en vis-à-vis sur les hauteurs qui dominent le terrain de pacage du bétail. Le corps expéditionnaire marocain adopte la tactique de déploiement en croissant des armées ottomanes : autour de l’artillerie et de l’état-major, placés au centre du dispositif, s’articulent de part et d’autre du centre deux ailes commandées par des mercenaires convertis, Ba Hassen Friro à droite et Qâsem Waradououï el-Andalousi à gauche. Chaque aile comprend des arquebusiers, Andalous mercenaires à gauche, Grenadins morisques à droite, appuyés par les piquiers marocains, et aux extrémités de chaque aile sont placés les contingents de cavalerie. La cavalerie légère maure est placée en arrière-garde, entre les bagages et l’état-major de Djouder Pacha. C’est le même dispositif qu’à Ksar el-Kébir. La bataille qui va se livrer reproduit d’ailleurs en mode inversé la bataille de Ksar el-Kébir : cette fois-ci ce sont les Marocains qui ont l’avantage de la technique et de la puissance de feu et leur ennemi qui a l’avantage du nombre. Les Marocains savent, pour avoir affronté des armées portugaises et ottomanes équipées d’armes à feu, que le temps très long de rechargement des armes (1 minute) et des canons est un de leurs principaux handicaps. Par ailleurs, les armes à feu chauffent et un tir prolongé sous une forte chaleur est impossible.

La bataille de Tondibi va durer toute la journée, la défense des Songhaïs étant qualifiée « de résistance héroïque » : les premiers engagements commencent en fin de matinée et les troupes songhaïs quittent le champ de bataille avant la nuit tombée. Il n’y a eu ni effondrement militaire ni panique ce jour-là du côté des Songhaïs, si ce n’est sous la plume des historiens saadiens. Les Marocains ouvrent la bataille par une série d’engagements de cavalerie sur les ailes, destinés à empêcher l’armée songhaï de se déployer. Ensuite les Marocains ouvrent le feu avec l’artillerie détruisant les murets de fortifications qui protègent l’infanterie songhaï. En conséquence, devant la puissance de feu de l’armée marocaine, une attaque frontale est décidée par les dignitaires songhaïs contre le centre du dispositif marocain. Les zébus du bât sont amenés en première ligne et affolés pour se ruer sur les lignes d’arquebusiers des Marocains, afin de couvrir l’avancée de l’infanterie. Mais la mitraille des mousquets et des canons affole le bétail qui est décimé et se retourne contre les masses d’infanterie disposées en arrière, piétinant les guerriers songhaïs.

Devant l’échec de l’attaque et prenant la mesure de la puissance de feu de l’artillerie marocaine, un vif débat s’engage entre les dignitaires songhaïs, dont les principaux ministres qui demandent le départ du champ de bataille de l’Askia Ishaq II. Les princes du sang et les nobles veulent continuer l’attaque et demandent que l’Askia reste, mais l’option des principaux ministres est choisie et l’Askia quitte le champ de bataille, laissant derrière lui sa garde de guerriers sonnas. La cavalerie songhaï charge plusieurs fois les rangs marocains mais le tir des soldats marocains interdit leur progression. La contre attaque de la cavalerie marocaine et des archers marocains refoule la cavalerie songhaï. En fin d’après-midi l’armée songhaï s’est repliée sur la route de Gao où elle est regroupée progressivement. L’infanterie marocaine atteint le centre songhaï laissé à la garde des sonnas, qui se sont liés les genoux par une corde et se sont assis sur leur bouclier : les soldats de Djouder Pacha les fusillent sur place et s’emparent ensuite des bracelets et des parures d’or des guerriers et des cavaliers laissés à terre. Djouder Pacha fait camper le corps expéditionnaire sur place, n’entrant à Gao que près de deux semaines plus tard. Les combats sont cependant vifs toute la soirée, entre les deux cavaleries, les Songhaïs multipliant les attaques jusqu’à la nuit.

Les conséquences politiques : destruction de l’Empire songhaï, vassalisation et atomisation politique du Soudan
La défaite de Tondibi n’est pas la dernière bataille que les Songhaïs livrent aux Marocains, mais elle provoque l’explosion du gouvernement songhaï et la fin de l’emprise des Songhaïs sur la vallée du fleuve Niger. Coupé en deux avec l’installation des Marocains à Tombouctou (avril 1591), l’Empire est dirigé par deux askias, un nommé par les pachas de Tombouctou et dirigeant l’Ouest de l’Empire (Kurmina et Macina), et un autre la partie extrême-orientale, le Dendi, au sud de Koukya, la capitale religieuse des Songhaïs et le foyer historique du royaume de Gao.
La défaite militaire signe donc l’effondrement d’une civilisation, brusquement expulsée de son foyer originel et contrainte à un long exode de près de 500 kilomètres sur l’aval du fleuve Niger. Finalement, après l’acte d’allégeance de l’Askia Nouhou (1595), l’Empire songhaï se dilue dans le monde zarma avec lequel il finit par se confondre. La capitale est transférée de Gao au Mali vers diverses localités au Niger, dont la dernière est Sikye, aujourd’hui englobée dans l’agglomération de Niamey. Les empereurs ne règnent plus que formellement sur la partie méridionale de l’Empire songhaï, le Dendi.  L’Empire songhaï avait pris le relais de L’Empire du Mali au 15ème siècle. Il était devenu l’entité politique structurante de la société ouest-africaine. L’Empire songhaï ne s’en remettra jamais et aucun empire ouest-africain  de cette taille ne renaîtra même si l’on trouve par la suite :
– Le royaume de Ségou et celui du Kaarta fondé par les Coulibaly
– L’Empire peul du Macina de Sékou Amadou
– L’Empire toucouleur d’El Hadj Oumar Tall

Le pachalik de Tombouctou, dirigé essentiellement par Djouder Pacha jusqu’en 1599 (date à laquelle il est finalement rappelé au Maroc pour épauler le sultan El-Mansour dans sa guerre contre les chérifs du Rif), s’installe progressivement. À partir de 1599, les forces d’occupation marocaines ne comptent plus de mercenaires européens, tous rapatriés au Maroc. La douane marocaine installe des postes jusqu’à Djenné en amont du Niger, à l’entrée des méandres du Macina. Les cadis sont nommés par les pachas de Tombouctou et accompagnés par des soldats marocains, les « Armas »  quand les troubles sont importants. Si l’autorité des pachas est nominale au-delà de Gao vers l’aval et ne s’exerce que par intermittence sur Djenné et jamais au-delà en amont, le Maroc contrôle efficacement tous les ports situés entre Tombouctou et le Macina.
Les Marocains ne sont pas les seuls à avoir contribué à l’atomisation politique du Soudan nigérien. À la même époque l’empire du Mali, dont la capitale, longtemps itinérante, s’était fixée à Niani en amont du fleuve Niger, s’effondre aussi sous les assauts des Peuls Toucouleurs de la vallée du fleuve Sénégal. Les différentes composantes de l’Empire songhaï défunt prennent leur indépendance: les populations nomades sont les premières bénéficiaires de l’effondrement de l’empire du Songhaï. Les populations peuls, longtemps coincées entre les grandes composantes géopolitiques de la région (Jolof de Sénégambie, Mali, Songhaï) commencent leur émergence politique. Les confédérations touarègues prennent elles aussi leur indépendance et, dès le milieu du 18ème siècle, rivalisent de puissance avec les pachas de Tombouctou. L’atomisation politique du Soudan laisse donc la place à de nouvelles constructions politiques, moins étendues certes, mais fondées sur une conception inclusive de l’islam politique.

Cependant la destruction de l’Empire songhaï, la disparition de son administration et la fragmentation politique de la vallée du Niger ont des conséquences sanitaires et sociales immédiates très lourdes. Les Tarikhs notent la généralisation de la violence et de l’insécurité, soulignant, chaque fois que c’est possible, que les Marocains, dans leurs déplacements le long du fleuve, en sont tout autant victimes que les Soudanais. Même si l’idéalisation des temps passés est un des topoï de la littérature des élites soudanaises, les escortes qui accompagnent le moindre déplacement de cadi au sein du Pachalik laissent penser que l’atomisation politique a accru l’insécurité.
Plus tragiquement encore, les maladies et les sécheresses, avec leur lot de famines, s’accélèrent. La peste ravageait déjà le bassin du Niger depuis 1588.
La famine de 1616 à 1619, déclenchée par des inondations, obligea le pacha de Tombouctou à exempter de la dîme tous ses sujets.
Entre 1639 et 1643, une nouvelle famine déclenchée par la sécheresse entraîna un si grand nombre de morts qu’ils étaient laissés dans les rues : la peste refit son apparition.
Au 18ème siècle, des villes étapes comme Araouane étaient désertées. La population des villes avait été diminuée de 50 %, et ce jusqu’aux marges des pays wolof et haoussa. L’atomisation politique a interdit une réponse coordonnée devant ces calamités, régulières auparavant mais aux conséquences moins rudes.

Les conséquences économiques : la ruine du commerce transsaharien
La ruine de Tombouctou notée par René Caillié au début du 19ème siècle est attribuée à la destruction du Songhaï par le corps expéditionnaire de Djouder Pacha.
Une idée remise partiellement en cause par Michel Abitbol. Selon lui, la valeur des échanges entre le Soudan et le Maghreb, plus particulièrement le Maroc, s’est en effet amoindrie mais d’une part moins qu’on a voulu le dire, et d’autre part essentiellement du fait de la concurrence des comptoirs européens du Sénégal et de Gambie qui drainaient à eux une part importante des produits. Le point le plus important, selon Michel Abitbol, ce n’est pas la diminution relative de la valeur globale des marchandises qui transitaient par les villes caravanières du fleuve Niger (Gao, Tombouctou, Djenné) mais l’évolution de la nature des cargaisons.

Aux produits anciens (esclaves, or et kola) se sont en effet substitués les plumes d’autruche, les textiles écrus et surtout, de plus en plus la gomme arabique, qui transitait par les ports de Tanger et d’Agadir vers les villes textiles industrielles anglaises et françaises. Si ce nouveau commerce caravanier doit faire face à la concurrence de la voie atlantique, il se polarise surtout différemment. Gao, qui perd son statut de capitale politique, retrouve son rôle de plaque tournante commerciale régionale et via Tadmekka se branche sur les circuits commerciaux ottomans par le biais du Fezzan et de l’Égypte. De la même manière, la fin de la tutelle songhaï permet l’essor des cités-États haoussas comme Kano et Sokoto, anciennement seulement connectées aux circuits commerciaux du Fezzan, et qui s’imposent dans la sous-région. Le haoussa devient la langue de communication et de cour du Soudan.
Le commerce saharien n’est donc pas tant ruiné que réorganisé, dynamisé sur ses marges, de Djenné aux embouchures du Sénégal et de la Gambie, et autour du lac Tchad, et surtout recomposé, laissant les vieux produits issus du commerce médiéval pour se focaliser sur les matières premières compatibles avec l’essor d’une proto-industrie textile européenne, dont le Maghreb n’est plus qu’une succession de ports de rupture de charge. Cependant, si la valeur globale de ce commerce s’est réduite, l’importation de produits de luxe en provenance du Maghreb et à destination des rives du fleuve Niger montre aussi l’existence d’une communauté arabe aussi voire plus importante qu’avant l’invasion. Et l’apparition d’une classe marchande soudanaise plus aisée.

Les conséquences religieuses : la « seconde islamisation » du Soudan, diffusion de l’islam au sein des masses rurales.
La destruction de la civilisation curiale songhaï et la ruine de ses villes phare comme Gao et Koukya entraîne un exode des lettrés musulmans. Le plus connu reste Ahmed Baba, déporté à Marrakech, et qui étonne par la profondeur de son savoir et de sa sagesse religieuse. Mais si le destin d’Ahmed Baba est essentiellement urbain, la plupart des lettrés s’exilent dans des villes modestes de la savane où ils fondent des pôles maraboutiques, ce qui permet une islamisation des campagnes.
L’islam sort des villes et gagne les campagnes. Au milieu du 18ème siècle, les royaumes animistes comme celui du Mossi autour de Ouagadougou (actuel Burkina Faso) sont islamisés. C’est ce qu’on appelle la « seconde islamisation » du Soudan.

Raisons de la défaite songhaï de Tondibi.
Si la défaite de Tondibi n’est pas la dernière bataille livrée par les askias puisque la reddition et la vassalisation des Songhaïs ne sont actés qu’en 1595, la défaite a un retentissement important, ouvrant par exemple les portes de Tombouctou à Djouder Pacha qui s’y installe le 25 avril, rasant les quartiers centraux pour y bâtir la Casbah  marocaine. La tradition historiographique s’est longtemps contentée d’expliquer la défaite du Songhaï par la suprématie technique des Marocains dotés d’armes à feu.
Cette explication suit les grandes lignes des récits de la fin du 19ème siècle et de la première moitié du 20ème siècle. Elle reprend donc une lecture européo-centrée qui postule la supériorité ontologique des civilisations techniciennes sur les civilisations végétales. Les parallèles entre Hernán Cortès et la conquête du Mexique sont frappants et servent de toile de fond à l’étude de la conquête du Soudan par Djouder Pacha : même supériorité technique, même disproportion des forces, même sidération de la société devant la défaite. (Source : Wikipédia)

Voilà chers(es) lectrices & lecteurs du monde, ce sera tout pour aujourd’hui, demain je terminerais le volet de cette bataille de Tondibi, en attendant je vous souhaite à toutes & tous, une agréable après midi remplie de choses positives.
Prenez bien soin de vous et des personnes qui vous entoure.
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Paola

A propos Paola

Mon pseudo "Kaki Sainte Anne" Ecrivaine, mais je suis Béatrice Vasseur et je signe tous mes articles ici sous le nom de "Paola" mon second prénom
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