Au contraire de l’Empire songhaï secoué par des turbulences politiques et économiques, le Maroc est entré dans une phase d’essor géopolitique spectaculaire, incarné par la dynastie des sultans saadiens (1549-1660). La tentative de croisade portugaise (bataille des Trois Rois, Ksar el-Kébir, 1578) a échoué et les rivalités politiques internes sont en voie d’apaisement. La monarchie peut ambitionner à la fois la vassalisation du Sahara et du Sahel et envisager d’exporter la violence latente aux frontières en envoyant dans le Songhaï vassalisé les populations les plus remuantes du Royaume. L’intérêt premier reste l’appât du gain : la mainmise sur le commerce du sel et les profits qu’il génère, celle sur le trésor songhaï. Pourtant, Ahmed IV el-Mansour souhaite aussi s’emparer des flux du commerce des esclaves, car les cultures de cannes à sucre, qu’il développe, nécessitent une importante population servile qui a largement fait les frais des guerres civiles marocaines des décennies précédentes.
Si les motivations d’Ahmed el-Mansour sont d’abord d’ordre économique, les historiens anglo-saxons rappellent que les ambitions du sultan saadien sont aussi d’ordre spirituel et qu’il souhaite établir un califat sur l’ensemble du Soudan, rivalisant avec le Califat ottoman basé à Constantinople et rappelant les grandes heures de la dynastie des Omeyyades, et plus généralement du califat de Cordoue. Le palais El Badi, dont les plans s’inspirent de l’Alhambra de Grenade semble en offrir une bonne illustration.
Cependant, l’essor marocain se heurte à deux dynamiques géopolitiques concurrentes. D’une part celle des Portugais qui, à travers l’empire du Grand Jolof via le fleuve Sénégal, puis le Saloum, tentent, sans succès, d’atteindre Tombouctou (1565). Si au 16ème siècle les tentatives portugaises d’annexion des royaumes wolof se heurtent à une vive résistance, leur présence, ancienne sur les côtes de l’actuelle Mauritanie, se renforce également le long de la Gambie. Des flux d’or et d’esclaves de plus en plus importants sont drainés vers la côte, échappant à la fois à l’empire déclinant du Mali, mais aussi aux ports caravaniers du Maghreb. La raréfaction de l’or soudanais menace la stabilité des États maghrébins dont le monnayage est en or et qui ne profitent pas immédiatement des afflux d’or américain, comme c’est le cas au contraire de l’Europe de l’Ouest. Les Saadiens, dont la politique de puissance régionale et le maintien de l’ordre intérieur nécessitent des sommes importantes de numéraire, sont directement concernés. D’autre part, l’Empire ottoman dont c’est le nouvel âge d’or, resserre son emprise sur le littoral méditerranéen et effectue une série d’expéditions armées au cœur du Sahara : Salah Raïs (1552) sur Ouargla, Djafer Pacha sur le Fezzan (1557) dans le Sud libyen, et celle plus menaçante de Hasan Veneziano sur le Touât (1579) et ses oasis.
Les relations avec l’Empire ottoman sont par ailleurs exécrables (conflit maroco-ottoman) et ambiguës depuis la montée au pouvoir de la dynastie : les Turcs assiègent Oran (1554-1557) tenue par les Espagnols alliés des Saadiens, font assassiner le sultan Mohammed ech-Cheikh la même année, et s’immiscent dans les affaires internes du Royaume en faisant porter au pouvoir le sultan Abu marwan Abd al-Malik (1576) dont Ahmed IV el-Mansour, le vainqueur du Songhaï, est le frère.
La conquête du Songhaï est donc le produit de dynamiques complexes qui s’enchevêtrent : l’indéniable appât du gain que les auteurs des Tarikhs (Tarikh es-Soudan et Tarikh el ferrach) soulignent, mais aussi la volonté pour El-Mansour d’ajouter à la gloire de Ksar el-Kébir, acquise essentiellement par son frère, la sienne propre, ainsi que la fermeture de la Méditerranée par les Turcs qui viennent appuyer la régence d’Alger (1516-1659), ce qui contraint les Saadiens à une expansion vers le sud.
Le sultan saadien Ahmed el-Mansour hérite largement de la guerre entre le royaume saadien et l’Empire songhaï autant qu’il l’accentue. La guerre commence au milieu du 16ème siècle par une série de raids armés sur les périphéries des deux États, les Saadiens faisant razzier Teghazza et ses mines de sels, et les askias lançant leurs alliés touaregs contre le Drâa marocain. En 1585, un détachement marocain effectue un raid sur la mine de sel de Teghaza, raid sans lendemain et qui ne débouche sur aucune occupation, car le Songhaï avait déjà entamé l’exploitation de la saline de Taoudeni au sud de Teghaza.
Dix ans plus tard, les Marocains s’emparent définitivement de Teghaza, la grande mine de sel administrée par les Songhaï mais exploitée par des populations touarègues grâce à une population servile soudanaise.
L’askia régnant Dawud (1549-1583) entame une épreuve de force et lance des raids touaregs sur les marges du royaume marocain. Un accord est trouvé avec le sultan marocain, pour le paiement d’une redevance prélevée par les Marocains sur les taxes perçues sur le commerce du sel de Teghazza, d’un montant de 100 000 dinars. Les troupes marocaines (déjà deux cents fusiliers) se retirent de Teghazza. Mais les populations touarègues qui exploitaient les mines de sel de Teghazza se replient à l’intérieur des terres du Songhaï (1583) quand les Marocains s’emparent définitivement des mines (1582-1586). Comme dit précédemment, Les Touaregs fondent un nouveau complexe minier deux cents kilomètres au sud, à Taoudéni (Taghazza al-Ghizlan, Taghazza des Gazelles). Le complexe minier des salines de Teghaza tombe en ruine, faute de main d’œuvre servile, et les revenus marocains s’effondrent.
À partir de 1582, El-Mansur entame une série d’expéditions pour sécuriser les marges sahariennes de son empire : il s’empare d’abord des oasis du Touat (1582), la tutelle des ottomans n’ayant jamais dépassé l’atlas saharien. En 1583 le Sultan du Kanem-Bornou, May Idriss Alawoma, sollicite l’aide d’El-Mansour et contre un acte d’allégeance réclame (en vain) des armes à feu. Si l’aide marocaine ne parvint pas, l’acte d’allégeance avait fait rentrer le Soudan sous la suzeraineté politique marocaine. L’expédition de Chinguetti (1584) à travers le désert mauritanien s’étant heurtée à la résistance maure et portugaise, les Turcs descendant, eux aussi, mais par le Fezzan en Afrique subsaharienne, il ne reste plus comme voie d’expansion que l’annexion de l’Empire songhaï. Cependant si l’expédition marocaine sur les marges ouest de l’Empire songhaï se solda pour El-Mansour par une déconvenue, elle eut des conséquences stratégiques inattendues: elle contribua en effet à attirer l’attention des dignitaires du Songhaï sur l’extrême ouest de leur empire, entraînant une dispersion des forces soudanaises le long des berges du fleuve Niger.(Source Wikipédia)
Voilà chers(es) amis(es) lectrices & lecteurs, vous aurez une suite demain, étant férue d’histoire, j’ai vraiment cette impression de parler de ma terre et je trouve cela assez surprenant. Néanmoins, je vous abandonne et je vous retrouve demain et vous souhaite à vous et aux vôtres un agréable après-midi.
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