Nous allons continuer cette journée avec un article qui nous bien du journal Le Monde et qui parle des Mafa.
Ce peuple de l’Extrême-Nord est connu pour ses potières et ses forgerons.
Une tradition aujourd’hui menacée par la modernité, le terrorisme et… le Covid-19.
Voilà trois heures que Dakalak Mogoda pétrit l’argile. Avec la pâte devenue homogène, elle forme délicatement des boules qu’elle roule sous ses doigts trempés d’eau. Puis à l’aide d’un récipient plein de cendres en guise de moule, elle fabrique des marmites et des « canaris », ces jarres qui servent à conserver de l’eau fraîche et que les habitants de cette région de l’Extrême-Nord du Cameroun nomment aussi « réfrigérateurs traditionnels ». « C’est mon travail. Je le fais depuis que je suis toute petite », sourit cette femme de 32 ans, assise à même le sol, sous un soleil caniculaire, dans son village de Mandaka Chechem. Dakalak est une Mafa. L’artisanat se transmet de génération en génération au sein de ce peuple, également présent au Nigeria, qui compte aussi des tisserands et des forgerons. La mère de Dakalak était potière, comme sa grand-mère, son arrière-grand-mère et toutes ses aïeules.
Aller chercher de l’argile et de la « bonne » terre. La mouiller puis la laisser reposer. Piétiner, pétrir, mouler, former, couper, rouler, construire marmites, assiettes, canaris, vases, plats scarifiés ou peints puis cuits au feu… La jeune femme refait les mêmes gestes depuis qu’elle est enfant. Après les avoir appris auprès de sa mère, elle les enseigne désormais à sa fille aînée, Korba, âgée de 17 ans. En cette matinée de décembre, Guideyme Dadadak, l’époux de Dakalak, est lui en plein travail dans sa forge. La chaleur est intense. Torse nu, cet homme de 46 ans façonne le métal. Il fabrique des houes, des haches, des marteaux et des machettes. Guibaï, son fils âgé de 13 ans, l’assiste. « Je veux être un grand forgeron comme papa », dit-il. « C’est notre héritage et j’essaie de le transmettre à mes enfants », complète Guideyme, marié à deux femmes et douze fois père.
« Notre héritage »
En dehors de sa forge, Guideyme est également connu comme celui qui inhume les corps, une tâche héritée de ses ancêtres dont il se dit « fier ». Malgré sa passion pour le métier et la tradition, l’homme déplore la disparition « des valeurs ancestrales ». Pour pouvoir s’en sortir, de nombreux forgerons et potières se sont reconvertis dans d’autres activités. « Avant, les gens achetaient des assiettes, des plats, des cuillères, des jarres en terre et en argile. Tous ces objets sont remplacés aujourd’hui par d’autres plus modernes », peste Dakalak Mogoda. Autrefois, elle gagnait entre 20 000 et 25 000 francs CCF (30,50 et 38,11 euros) par semaine, contre seulement 5 000 francs CFA aujourd’hui, essentiellement grâce à la vente des canaris. Elle complète ses revenus en cultivant des champs de mil, ce qui lui permet d’aider son époux à payer la scolarité de leurs enfants. « Je ne gagne pas grand-chose », admet-elle, mais pour rien au monde elle n’abandonnerait la poterie.
A proximité, dans la cour de sa maison, Guissata Doukoya façonne un objet sacré : le « zighilé », le dieu des Mafa. Durant près de deux heures, elle chante en le moulant avec précaution. Mère de huit enfants, Guissata estime que chaque Mafa devrait avoir l’effigie du dieu devant son domicile. « Ça nous protège contre les mauvais esprits », confie-t-elle. Si certains sont toujours animistes, de nombreux Mafa sont aujourd’hui chrétiens ou convertis à l’islam, assure Dakoza Pok Pok, forgeron, agent communautaire et guide touristique.
« Même si tu es ministre ou président, quand tu es fils ou fille Mafa, tu ne dois jamais oublier la tradition », clame-t-il. Un monument a été érigé à l’entrée du village : une forge reconstituée comme dans les temps anciens et la statue de celui qui est présenté comme le tout premier forgeron. Malgré les attaques du groupe terroriste Boko Haram, perpétré jusque dans leur localité, quelques touristes étrangers venaient encore admirer l’artisanat des Mafa. Tout s’est arrêté avec l’arrivée du coronavirus. Dakoza espère voir revenir bientôt ces visiteurs à qui son peuple pouvait raconter son histoire afin de « la transmettre aux autres et la conserver ». (Source : Le Monde – Josiane Kouagheu (Mandala Chechem, Extrême-Nord)Publié avant-hier à 09h30)
Ce sera tout pour le moment, je vous retrouve vers 17h pour vous parler d’un artiste ivoirien que beaucoup connaisse. Alors suivez-nous sur le site et n’hésitez pas à laisser vos impressions, pour nous elles sont précieuses et nous permettent d’essayer de vous informer au mieux.
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Paola