Bonjour à toutes & tous, j’espère que vous allez tous bien ainsi que les vôtres et je partage avec vous ce matin un article qui nous vient du journal « Le Monde ».
D’après l’Unicef, plus de 800 000 enfants sont privés d’éducation à cause de la guerre civile dans les régions anglophones, où des établissements sont la cible d’attaques.
Nelly* n’a pas le sommeil tranquille. Toutes les nuits, elle revoit les mêmes hommes cagoulés, leurs armes pointées sur elle. Dès qu’une porte grince ou qu’elle entend une voix masculine, la jeune fille de 16 ans sursaute. « Je suis tellement traumatisée, chuchote-t-elle. J’ai cru qu’ils allaient me violer dans ma salle de classe, me brûler et que j’allais ensuite mourir carbonisée. »
Mercredi 4 novembre, un groupe d’hommes armés a fait irruption au Kulu Memorial College, un établissement secondaire privé de Limbé, petite ville balnéaire située dans le Sud-Ouest, l’une des deux régions anglophones du Cameroun, plongées dans la guerre civile depuis trois ans. Selon les témoignages d’enseignants et d’élèves rencontrés par Le Monde Afrique, les assaillants sont arrivés le matin. « Ils étaient une dizaine, certains cagoulés, d’autres non », se rappelle Stéphane, un élève qui recopiait un cours manqué d’économie lorsqu’il a entendu les cris de ses camarades.
Sous la menace de fusils et de machettes, les élèves, professeurs et secrétaires présents ont été rassemblés dans une salle de classe. Ceux qui résistaient ont été frappés. Les hommes armés leur ont intimé l’ordre de se déshabiller « complètement », avant de prendre des photos et vidéos qui seront par la suite diffusées et abondamment partagées sur les réseaux sociaux. Les assaillants ont pressé les jeunes de questions : « Pourquoi continuez-vous d’aller à l’école alors que c’est interdit ? Nous aussi, nous aimons l’école, mais pourquoi ne comprenez-vous pas que nous nous battons pour la cause de tous les anglophones, pour vous ? »
Un professeur d’histoire-géographie décapité
La crise a débuté en 2016 avec un appel au boycott des écoles et les revendications corporatistes des avocats et des enseignants des régions anglophones. Elle a viré depuis à la guerre entre les séparatistes qui luttent pour l’indépendance du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et les forces de sécurité et de défense camerounaises.
Plus de 3 000 personnes ont été tuées et plus de 500 000 autres ont été contraintes de se réfugier dans les forêts environnantes, au Nigeria voisin et dans les provinces francophones du Cameroun. Les combats se déroulent majoritairement à huis clos. L’armée comme les séparatistes sont régulièrement accusés par les ONG d’exactions et de violences diverses.
D’après le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), plus de 800 000 enfants camerounais sont privés d’éducation à cause de la guerre. Ces dernières années, de nombreux élèves et enseignants ont été bastonnés, kidnappés et même assassinés. En 2019, un professeur d’histoire-géographie a ainsi été décapité et sa tête exposée dans une rue de Bamenda (Nord-Ouest). Le 24 octobre, sept élèves âgés de 9 à 12 ans de la Mother Francisca International Bilingual School, un établissement secondaire privé de Kumba (Sud-Ouest), ont été abattus dans leur salle de classe.
Le gouvernement camerounais accuse les séparatistes, qualifiés de « terroristes », d’être derrière ces attaques. Mais certaines, comme à Kumba, n’ont pas été revendiquées. De leur côté, les sécessionnistes tiennent pour responsables les soldats camerounais ou de faux « Amba boys » (un surnom donné aux séparatistes). Pris entre deux feux, les civils paient le prix fort.
« J’étais sûr qu’ils allaient nous tuer comme ceux de Kumba », tremble encore Stéphane, à Limbé. Après trois années à la maison, son camarade Rolland revenait à l’école pour la première fois. « Mon premier jour de classe ! J’ai demandé à Dieu dans mon cœur : pourquoi m’as-tu laissé y retourner si c’est pour me faire tuer quelques heures plus tard ? », se souvient-il. Après avoir incendié le bloc administratif, les documents, les diplômes, les uniformes et d’autres certificats, les assaillants ont finalement laissé leurs prisonniers partir, nus, avec un avertissement : « La prochaine fois, si vous revenez, on vous tuera. »
« Les enseignants ne sont pas des militaires »
Le 11 novembre, une semaine après les faits, une dizaine d’élèves et enseignants du Kulu Memorial College se sont retrouvés auBota Club, un restaurant en bord de mer, à la demande d’une association qui leur apporte un soutien moral et financier. Autour de la table, les visages sont tristes. « Ils ont peur. C’est terrible », soupire la responsable locale de l’ONG, qui improvise des séances de selfies « pour leur faire oublier momentanément l’horreur ».
Malgré les sourires, le cœur n’y est pas. « Je ne pense pas retourner à l’école, confie Vanessa, inscrite en terminale. Tant pis pour mon rêve d’université. » Ses camarades opinent du chef. « Je ne veux pas mourir, répète Nelly. Tant que la guerre ne cessera pas, l’école sera toujours risquée pour les enfants anglophones comme moi. »
Pour cette rentrée scolaire débutée le 5 octobre, les autorités camerounaises avaient pourtant annoncé avoir mobilisé des forces de défense et de sécurité afin de protéger les établissements. Si certains leaders séparatistes étaient contre le retour à l’école, d’autres ont encouragé les parents à scolariser leurs enfants. A en croire Hannah Etonde, la déléguée régionale des enseignements secondaires pour le Sud-Ouest, 58 000 élèves étaient inscrits dans la région en novembre, contre 43 000 un an plus tôt. Mais la multiplication des incidents observés ces derniers temps a « découragé certains élèves et parents », regrette-t-elle. « Loin des grandes villes anglophones, en zone rurale, c’est la catastrophe », confie un préfet.
Car les enseignants rechignent à aller dans ces localités reculées. Le gouvernement a annoncé avoir organisé des convois militarisés pour les y acheminer. D’après nos sources, plus de 85 % des professeurs ont décliné l’offre. « Ils ne sont pas sûrs de bénéficier d’un convoi pour en sortir et ceux qui y sont ne se sentent pas en sécurité », explique Roger Kaffo Fokou, le secrétaire général du Syndicat national autonome de l’enseignement secondaire (Snaes).
Plus grave, souligne-t-il, dans ces bourgs les enseignants sont obligés de vivre dans des camps protégés par des militaires pour avoir « un minimum de sécurité ». « Ce ne sont pas des conditions propices à un exercice serein de la profession. Les enseignants ne sont pas des militaires », précise le syndicaliste, pour qui la solution est « la fin de la guerre par des voiesnégociées ». « On ne sait pas qui est l’adversaire ni où il se trouve », insiste Roger Kaffo Fokou, en référence aux séparatistes. Selon le responsable d’un autre syndicat, le gouvernement « a failli à ses promesses », car les écoles attaquées à Kumba et Limbé n’étaient pas gardées. « Où sont les forces de sécurité censées nous protéger ? Elles ne viennent qu’après », peste-t-il.
« Les enfants sont innocents, laissons-les en paix »
Au ministère de l’éducation de base, à Yaoundé, un chef de service admet que « les menaces de ne plus verser les salaires des enseignants déserteurs n’ont rien donné ». Les récents kidnappings ont au contraire « poussé des dizaines d’instituteurs courageux à abandonner », dit-il : « C’est une saignée. Pas seulement dans les régions anglophones, aussi dans l’Extrême-Nord, en prise avec Boko Haram, dans l’Est, le Nord et l’Adamaoua, où des villages sont attaqués par des rebelles centrafricains. Des milliers d’enseignants abandonnent des millions d’enfants. » En ce qui concerne les régions anglophones, trois syndicats contactés sont formels : sans retour de la paix, ils n’encourageront pas leurs membres à « risquer leur vie ».
A Limbé, la psychose est telle qu’une rumeur faisant état de l’attaque imminente d’une école, le 27 octobre, a vidé les établissements en quelques minutes. Le kidnapping de onze enseignants (libérés par la suite) à Kumbo (Nord-Ouest), le 3 octobre, puis les événements du Kulu Memorial College ont démultiplié la peur. Dans trois écoles visitées par Le Monde Afrique, les élèves et enseignants ont réclamé de ne pas être filmés ni enregistrés.
« Les enfants veulent étudier. Ils sont innocents. Laissons-les en paix », demande la proviseure du Lycée bilingue de Limbé. « C’est une période critique. Nous avons peur de tout le monde. On ne sait plus qui est qui », renchérit la vice-principale de la National Comprehensive High School. A quelques mètres de l’établissement, Elvis et quatre camarades se remémorent les conseils de leurs parents : marcher en groupe, ne pas traîner ou encore s’allonger au sol si des coups de feu résonnent en classe. Le garçon de 14 ans rêve d’être pilote et va à l’école « la peur au ventre ». Aussitôt après le massacre de Kumba, quatre de leurs amis ont abandonné. Depuis, d’autres suivent.
Au bord de la plage, Shandeline Ngeh, la principale du Kulu Memorial College, se veut pourtant optimiste : « L’école va rouvrir dans quelques jours et nous allons renforcer la sécurité. » Deux gendarmes, armes au poing, montent déjà la garde sur les lieux. Pourtant, Armelle a pris sa décision. Cette enseignante d’éducation civique va arrêter l’enseignement pour « un moment ». Déshabillée, humiliée, menacée, elle a perdu le sommeil. Comme ses élèves, elle est tiraillée entre son « amour pour l’école » et le désir de « rester en vie ». Son téléphone vibre dans la nuit. Un message rapporte que des tracts menaçants auraient été retrouvés sur le campus d’un complexe scolaire de la ville. « Dieu m’a sauvée une fois. Retourner à l’école serait comme si je le testais. Je n’irai pas », conclut-elle.
* Tous les prénoms d’élèves et d’enseignants ont été changés à leur demande.
(Source le monde – Par Josiane Kouagheu : Publié le 17 – mis à jour à 06h23)
Comme vous pouvez le constatez chers(es) lectrices & lecteurs du site, des populations subissent soit la loi du plus fort, soit la cruauté des djihadistes, mais quand on s’en prend à des enfants innocents je cautionnerais jamais cela.
Quand on est un homme digne de ce nom, on se bat contre son égal, mais pas contre des enfants qui ne peuvent même pas se défendre, des écoliers qui ne demandaient qu’à apprendre.
Font-ils donc si peur à tous ces assassins ? Je pense que oui, parce que l’instruction donne un grand pouvoir de décision, décision dans les affaires, dans la famille, décision pour sa vie entière. Pour des choix qui leur appartiennent.
Je vous retrouve plus tard et je vous souhaite à toutes & tous une bonne journée. Prenez soin de vous et des personnes qui vous entoure.
Les images sur cet article ne sont pas ma propriété.
Paola