L’état d’urgence décrété ce vendredi par le gouvernement éthiopien dans la foulée de la démission du Premier ministre Hailamariam Desalegn restera en vigueur pendant six mois et prévoit notamment l’interdiction de toute manifestation. Alors que le régime, confronté depuis fin 2015 à un mouvement de protestation antigouvernemental inédit en 25 ans, avait fait libérer des centaines de prisonniers ces dernières semaines, l’instauration de l’état d’urgence sonne comme une tentative de reprise en main de la situation par les tenants de la ligne dure.
Décidé ce vendredi avec effet immédiat lors d’un conseil des ministres, au lendemain de la démission surprise du Premier ministre Hailemariam, « l’état d’urgence sera en place pour six mois et il doit être présenté au Parlement et approuvé d’ici 15 jours », a déclaré le ministre de la Défense Siraj Fegessa. Actuellement en congés, le parlement entièrement contrôlé par la coalition au pouvoir (EPRDF) et ses alliés devrait selon toute vraisemblance entériner cette mesure qui restreint un peu plus les faibles libertés publiques dont jouissent les Éthiopiens en temps normal.
Décidé selon le gouvernement en raison du risque de nouveaux « affrontements sur des lignes ethniques », de la nécessité de protéger l’ordre constitutionnel et celle de préserver le pays du « chaos et du désordre », l’état d’urgence prévoit notamment l’interdiction des manifestations, selon la radio d’Etat Fana. Il donne la possibilité aux forces de sécurité – fédérales, régionales, milices locales, désormais placées sous un commandement unique – d’arrêter quiconque sans mandat.
Sous pression au sein d’une coalition au pouvoir traversée par de fortes dissensions, Hailemariam n’aura pas résisté à la crise politique actuelle, la plus profonde du régime depuis son accession en 1991 à la tête du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique. Le mouvement de protestation avait débuté fin 2015 en région oromo (sud et ouest), la plus importante ethnie du pays, puis s’était étendu courant 2016 à d’autres régions, dont celle des Amhara (nord). Sa répression a fait au moins 940 morts. Un calme relatif n’était revenu qu’avec l’instauration d’un état d’urgence entre octobre 2016 et août 2017 et au prix de milliers d’arrestations.
Ces manifestations étaient avant tout l’expression d’une frustration des Oromo et des Amhara, qui représentent environ 60% de la population, face à ce qu’ils perçoivent comme une sur-représentation de la minorité des Tigréens au sein du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), la coalition qui renversa le dictateur Mengistu Hailé Mariam en 1991. Particulièrement opaque, le régime n’a rien laissé filtrer de l’identité du successeur de Hailemariam. Celui-ci doit rester en poste jusqu’à la désignation du nouveau Premier ministre, à une date encore inconnue. (Source rtbf.be)