(Source Ouest France) L’écrivain et chroniqueur a écrit une tribune virulente, publiée lundi dernier dans Libération, contre l’action de l’État à l’égard des migrants de Calais. Il y dénonce des « actes de barbarie ». Un journaliste du quotidien départemental Nord Littoral, basé à Calais, lui a répondu ce week-end, déplorant son absence totale de « nuance » sur un sujet « très compliqué ».
« Yann Moix oublie une partie de la réalité », écrit, dans une tribune parue dans Libération le 26 janvier, un journaliste du quotidien départemental Nord Littoral, basé à Calais. Julien Pouyet répond à la virulente tribune publiée par le chroniqueur et écrivain Yann Moix dans le même quotidien, lundi dernier.
« Actes de barbarie », « protocole de la bavure »… C’est par ces termes que Yann Moix qualifiait l’action de l’État contre les migrants à Calais. « Monsieur le Président de la République, chaque jour, vous humiliez la France en humiliant les exilés », écrit-il. L’auteur français, qui réalise, depuis septembre dernier un documentaire à Calais sur les candidats à l’exil, accuse Emmanuel Macron d’ordonner aux forces de l’ordre des « actions souillant la dignité de l’homme » comme l’usage de gaz.
Danger, lui répond en substance le journaliste de Nord Littoral, Julien Pouyet, basé à Calais depuis 2011, regrettant un « manque de nuance » sur un « sujet compliqué ».
L’absence de nuances
S’il ne remet pas en cause l’essentiel de la réalité décrite par Yann Moix, le journaliste de Nord Littoral regrette la « méthode » et notamment la virulence des termes employés. « Vous pensez sans doute que, plus nuancé, votre propos aurait perdu de sa force. Mais il aurait été au contraire bien plus pertinent », écrit Julien Pouyet. « L’absence de nuance nous empêche d’avancer dans ce dossier depuis le début ». Le journaliste de Nord Littoral dénonce notamment la mise en cause d’un » système (de violences) généralisé » pour lequel Yann Moix n’apporte « aucune preuve ».
Et les Calaisiens, alors ?
A aucun moment, déplore aussi Julien Pouyet, Yann Moix n’évoque la situation des Calaisiens, et notamment la « violence » qu’ils subissent eux aussi depuis des années. « Bien sûr, ce que vivent les Calaisiens n’a rien à voir avec ce que vivent et ce qu’ont traversé les migrants, explique le journaliste par téléphone. Mais on ne peut aborder ce sujet et espérer faire avancer la situation sans l’aborder sous tous ses aspects, donc en donnant, aussi, la parole à ceux qui habitent Calais depuis des années. Il faut prendre le temps et donner la parole à tout le monde », insiste le journaliste.
Conséquence, selon Julien Pouyet : « Le discours devient inaudible. On oppose les migrants aux Calaisiens et vice-versa alors que la situation est beaucoup plus complexe ». « Ma tribune n’est pas une tribune contre les migrants, précise le journaliste. Mais habitants, associations, politiques, etc. doivent aussi être entendus « .
Les mots et les actes
Julien Pouyet s’étonne d’autant plus des propos tenus dans la tribune, que, sur place, Yann Moix a tenu un autre discours, beaucoup plus nuancé, face aux policiers qu’il est venu rencontrer le 16 janvier à Calais. Le journaliste de Nord Littoral le sait pour avoir assisté à cette rencontre. Yann Moix y a notamment salué le travail des policiers et proposé de s’excuser après ses propos déjà virulents tenus dix jours plus tôt à l’encontre des forces de l’ordre dans l’émission On n’est pas couché.
« Sur place, lors de la rencontre avec les policiers, le dialogue était très intéressant, et j’avais trouvé très courageux à Yann Moix de venir s’exprimer après les propos qu’il avait tenus dans On n’est pas couché », rapporte Julien Pouyet.
Bon pour « sa » cause
En s’exprimant avec outrance sur le sujet, regrette encore le journaliste, Yann Moix « sert davantage sa cause » – la sortie de son prochain film – qu’il ne fait avancer la situation à Calais. Sa visibilité médiatique donne de l’écho à ses propos polémiques. « Cela nous a obligés à réagir », explique Julien Pouyet. Depuis la publication de cette tribune, les propos de Yann Moix ont été largement repris dans les médias et sur la toile. Et il a été invité sur BFM-TV dimanche, et sur France Culture ce lundi matin.